Comprendre ne va pas de soi ; comprendre s’apprend, comprendre s’apprend tout au long de la vie !

Un enfant cherche naturellement à explorer et comprendre le monde qui l’entoure, il apprend en observant, en jouant, en tâtonnant…
Il construit son langage oral en écoutant parler et en imitant ses proches. Mais comment l’aider à comprendre l’écrit ? Nous pensons qu’il n’est jamais trop tôt pour le confronter au langage écrit et notamment à la langue des récits. Comprendre un récit écouté, sans le secours des images, sans l’étayage de passages racontés (reformulés en « langue orale »), mais juste lu avec l’intonation nécessaire ; cela nous semble être un enjeu important pour l’apprentissage futur de la lecture… Nourrir et libérer l’imaginaire de l’enfant tout en étant attentif au respect du texte écrit et de son auteur, voilà notre objectif !


Cliquez sur les titres pour accéder aux contenus

  • Comprendre, c’est faire du sens avec les mots d’un autre, en les confrontant à ses propres mots : « nos mots » sont chargés d’un sens singulier, influencé par les expériences personnelles, l’environnement familial et professionnel, la même phrase produit ainsi de multiples images qui se modifieront peut-être au fil de la lecture ; mais chaque lecteur en aura une représentation personnelle.

  • Comprendre, c’est faire du sens entre les mots d’un autre : c’est interpréter les « blancs du texte ». Le sens d’un texte excède la somme des significations des mots du texte car tout texte exige de faire des inférences pour « combler les blancs, lire entre les lignes ».

  • Comprendre, c’est trouver le juste équilibre entre l’interprétation personnelle et l’indiscutable du texte : l’auteur a choisi et agencé ses mots dans l’espoir d’être compris au plus juste de ses intentions ; le lecteur doit d’abord admettre ce qui est indiscutable et ainsi s’assurer de ne pas trahir l’auteur. Il peut glisser ses propres pensées, ses émotions, son expérience… entre les mots de l’auteur et en déduire une interprétation singulière, mais elle doit rester acceptable. La compréhension est à ce point d’équilibre entre la liberté d’interprétation et le respect du texte. Ainsi, comprendre un texte, ce serait : « faire dire au texte ce qu’il ne dit pas tout en respectant scrupuleusement ce qu’il dit. »

Pour comprendre, il faut donc, à la fois, maîtriser des compétences langagières (du point de vue du lexique et de la syntaxe) et mettre en œuvre des stratégies (inférer, mémoriser, identifier, imaginer...)

Dans la démarche de l’atelier de compréhension, nous nous plaçons délibérément du côté des stratégies (même si nous ne conseillons pas aux enseignants d’abandonner tout travail sur les compétences langagières, bien au contraire!).

Nous croyons au bénéfice des échanges entre élèves sur les différentes représentations qu’ils se font à l’écoute d’un texte : « nous avons tous écouté le même texte, mais nous n’en avons pas les mêmes images en tête, pourquoi, qu’avons-nous fait pour comprendre, quels indices avons-nous retenus, etc. »

C’est par la répétition ritualisée et fréquente de ces moments de compréhension « coopérative » que les élèves percevront progressivement ce « qu’il faut faire pour comprendre ».

POURQUOI ?

Dès la petite section de maternelle, il nous semble indispensable de confronter les élèves à l’écoute de textes écrits, et ce sans le support d’images.

Pourquoi le texte écrit ?

  • Parce qu’il peut être lu et relu à différents moments, lu par différentes personnes, les mots ne changent pas, et les enfants prennent ainsi conscience de la permanence de l’écrit (contrairement à l’oral qui varie d’un conteur à l’autre).

  • Parce que l’écrit présente des caractéristiques différentes de l’oral, notamment d’un point de vue syntaxique, et les enfants apprennent ainsi qu’il y a deux voies d’expression d’une même langue, ayant chacune leurs conventions.

Pourquoi sans images ?

  • Pour privilégier l’écoute attentive, sans support, et ainsi développer la pensée…

  • Pour favoriser la production d’images mentales personnelles en évitant d’orienter la compréhension à partir d’images « imposées » par l’illustrateur.

N.B. La lecture d’albums reste bien entendu une situation intéressante en maternelle (et même après…), mais il s’agit d’une autre activité, dont les objectifs dépendent des caractéristiques mêmes de l’album, à savoir : les rapports de complémentarité ou d’opposition qui se jouent, parfois de manière subtile, entre le texte et l’image ; les clins d’œil plus ou moins explicites entre l’auteur et l’illustrateur, même s’il s’agit d’une seule et même personne…La lecture d’albums sans texte est également à privilégier pour la construction de récits oraux. Nous en sommes convaincus, la lecture d’images est une activité à conduire en maternelle (et après !) ; il ne s’agit pas ici de supprimer les images de l’univers enfantin, mais de proposer une démarche différente et complémentaire !

COMMENT ?

La progression élaborée entre la petite section de maternelle et la grande section ne porte pas sur le type de support utilisé (il s’agit d’un texte, récit de préférence, de longueur et complexité progressives, bien entendu) mais sur la place et le rôle tenus par l’enseignant au cours de l’atelier.

  • Dans tous les cas, le texte est lu par l’enseignant, en continu, sans commentaires, et sans l’appui d’illustrations, à un petit groupe d’élèves, de niveau « raisonnablement hétérogène ».

  • Dans tous les cas, une fois l’histoire lue (et éventuellement relue une seconde fois), l’enseignant demande aux élèves de dire spontanément ce qu’ils ont retenu de l’histoire ; de décrire les images qu’ils ont vu – peut-être - défiler dans leur tête en écoutant.

  • Dans tous les cas, c’est la relecture du texte qui permet de valider les propositions, et non l’enseignant lui-même.

  • Dans tous les cas, on se pose une question à la fin : qu’est-ce qu’on vient de faire ensemble pour comprendre l’histoire qu’on a écoutée?

Mais

En PS, le recueil de ce que les élèves ont compris à l’écoute du texte passe par un questionnement de l’enseignant : de qui parle-t-on dans cette histoire, que lui arrive-t-il ? etc…. L’enseignant accompagne le groupe d’élèves dans la compréhension de l’histoire, mais il accepte les « petits perroquets » qui se contentent de répéter ce qui vient d’être dit par un camarade et les « silencieux » qui écoutent (pas toujours!), mais se taisent... La reformulation collective pourra être étayée par la présentation d’illustrations de l’histoire en fin d’atelier, mais images et lecture ne seront pas proposées ensemble pendant l’atelier au risque d’en perturber le déroulement.

En MS, l’enseignant s’implique moins dans les échanges, mais si besoin, il questionne, encourage les plus timides, reformule les propositions partielles, reprenant parfois la chronologie, complétant éventuellement les manques en relisant un passage pour s’assurer du nom du personnage (ou du lieu de l’action…). Il prend note des propositions retenues et qui seront vérifiées à la relecture. Il peut, là aussi en toute fin d’atelier, montrer quelques illustrations du récit (dont on pourra discuter en les ordonnant dans le sens de l’histoire). Les images éclaireront alors les zones d’ombre du texte et les incertitudes. Elles serviront – si besoin - d’étayage à la reformulation.

En GS, l’enseignant adopte une posture d’écoute la plus neutre possible et recueille avec patience et bienveillance les propositions des élèves sans s’impliquer directement. Il régule les échanges afin de permettre à tous les élèves de s’exprimer. Son attitude reste impartiale, même face à des propositions qui paraissent saugrenues mais qui peuvent révéler un contresens (parfois, un mot du texte fait résonance pour un élève, car il relie ce mot à une expérience vécue ; celle-ci fait écran et pollue la compréhension mais il est utile de la laisser s’exprimer pour pouvoir contenir, avec l’aide des autres élèves, cette interprétation abusive). L’enseignant met ainsi en évidence les accords et désaccords qu’il note par écrit. Chaque proposition sera alors reprise et analysée pendant la relecture du texte afin d’être validée (ou non). La reformulation de l’histoire, en fin d’atelier, précède une éventuelle présentation d’images ; c’est ce qui permet à l’enseignant de s’assurer que les objectifs de l’atelier ont été atteints.

Au-delà des difficultés liées à l’écoute (attentive et en continu), et à la compréhension de certains mots peu fréquents du texte, les élèves sont invités à exprimer oralement ce qu’ils en ont pensé, compris et retenu: ils doivent ainsi oser s’aventurer à donner leur avis et le confronter à celui des autres.

C’est le cadre ritualisé et rassurant de l’atelier, associé à une posture patiente et bienveillante de l’enseignant qui le permet.

Progressivement, d’atelier en atelier, les élèves vont apprendre à :

  • Oser s’exprimer spontanément sur les éléments retenus,

  • Confronter sa parole à celle d’autres élèves, placés dans la même situation,

  • Justifier son point de vue mais écouter et accepter des points de vue différents,

  • Vérifier, à la seconde écoute, les éléments significatifs dévoilés pendant l’échange,

  • Se mettre d’accord, au sein du groupe, sur les éléments significatifs indiscutables,

  • Percevoir les zones d’incertitude et, éventuellement, l’indécidable du texte, les éléments suggérés, l’espace donné aux interprétations personnelles,

  • Admettre que si l’on a écouté le même texte, on n’en a pas retenu les mêmes éléments,

  • Identifier – et expliciter - progressivement les stratégies de compréhension efficaces,

  • Reconnaître quelques « invariants » du récit et éventuellement pouvoir relier le texte écouté à d’autres textes, entendus précédemment, présentant un point commun (même auteur, même structure, même personnage principal…)


- Télécharger la fiche didactique complète au format PDF
 

Mettre en place un atelier de compréhension de textes