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Tout au long de l’apprentissage de la lecture, pendant que vous ferez franchir, parfois laborieusement, une à une, les étapes indispensables à la maîtrise des mécanismes du code écrit, il doit avoir une claire conscience de ce vers quoi vous le menez: une formidable aventure qui consistera à construire ses propres images à l’invitation d’un auteur. C’est la certitude d’accéder à ce pouvoir merveilleux de création conscience qui sera le moteur de son effort d’apprentissage ; c’est donc en lui laissant entrevoir les promesses de la lecture que vous lui ferez accepter avec bonheur l’entraînement souvent aride au déchiffrage.
Ne l’oubliez pas ! On n’apprend à lire qu’une seule fois de même que l’on n’apprend à parler qu’une seule fois. C’est à dire que l’on comprend une fois pour toutes ce que lire veut dire après avoir compris ce que parler veut dire. Cette prise de conscience des enjeux de la lecture n’est ni solitaire ni ponctuelle. Cela n’a rien d’une révélation subite, rien à voir avec l’Eurêka.
La lecture dévoile ses charmes à qui les découvre à son rythme avec l’aide attentive de l’adulte. L’autre vient-il à manquer, les hypothèses faites par l’enfant resteront alors lettre morte. Personne n’en signifiera la validité ou l’erreur et l’enfant, abandonné à lui-même, nouera avec la lecture des malentendus souvent définitifs. En matière de lecture -mais aussi pour tous les apprentissages- c’est la conscience des fonctions sociales de la lecture ainsi que la clarté de la démarche cognitive qui sont nécessaires pour donner du sens à la maîtrise des mécanismes. Certes l’automatisation des mécanismes linguistiques est indispensable pour accéder à une lecture rapide et efficace, mais si un élève n’a pas conscience du pour quoi et du comment on fabrique du sens, l’automatisation des mécanismes tournera à vide.
Faire comprendre à un enfant la démarche de compréhension d’un texte exige qu’il la vive avec lucidité afin de prendre conscience des droits et des devoirs qu’elle impose. Le mode d’accompagnement est donc fondamentalement différent de celui que révèle une relation d’enseignement traditionnelle. L’adulte commence par « accoucher » les représentations que chacun des enfants se fait du texte proposé. Il les accueille avec patience et bienveillance et en garde les traces précieuses dans leur diversité. Il sait que l’importance à ce stade c’est que la fonction imageante de chaque élève opère dans sa singularité. Il sait aussi que viendra ensuite le temps de l’arbitrage et du tri ; le temps où le texte et l’auteur revendiquerons leur droit légitime de distinguer l’interprétation acceptable de la trahison. On doit donc d’abord faire confiance à l’intelligence de l’enfant En vivant avec ses camarades les difficiles négociations du sens d’un texte, il prendra progressivement conscience des articulations de la démarche de compréhension. Il saisit que cette démarche demande à la fois rigueur et exigence mais aussi infiniment d’ouverture, d’attention et de patience. Pour un enseignement explicite de la compréhension
De nombreux spécialistes confirment aujourd’hui que le meilleur apprentissage de la compréhension passe par des moments où l’enfant et son formateur s’interrogent ensemble sur les activités qui sont réalisées pour mettre du sens sur l’écrit. Qu’est-ce que je comprends, pourquoi ? Comment m’y suis-je pris, quelles informations ai-je retenu ? Ou bien même, et plus tard, « qu’est-ce que je ne comprends pas, à qui puis-je demander de l’aide, où chercher », etc. On dit que c’est un apprentissage « explicite » où tout se dit. Réfléchir sur ce que l’on est en train de faire est une activité « métacognitive » propice à l’apprentissage, par l’activation de l’intelligence plus que par l’acquisition automatique « sans comprendre ». En fait, on peut dire qu’il faut comprendre comment on comprend l’écrit !
Nous pensons qu’il n’est jamais trop tôt pour confronter les enfants au langage écrit et notamment à la langue des récits. Apprendre à comprendre un récit écouté, sans le secours des images, nous semble être un enjeu important pour l’apprentissage futur de la lecture…
Nourrir et libérer l’imaginaire de l’enfant tout en étant attentif au respect du texte écrit et de son auteur, voilà notre objectif !
Une démarche : l’Atelier de Compréhension de Texte lu par l’enseignant
Nous croyons au bénéfice des échanges entre élèves sur les différentes représentations qu’ils se font à l’écoute d’un texte : « nous avons tous écouté le même texte, mais nous n’en avons pas les mêmes images en tête, pourquoi, qu’avons-nous fait pour comprendre, quels indices avons-nous retenus, etc. »
C’est par la répétition ritualisée et fréquente de ces moments de compréhension « coopérative » que les élèves percevront progressivement ce « qu’il faut faire pour comprendre ».
Ainsi, dès la petite section de maternelle, il nous semble indispensable de confronter les élèves à l’écoute de textesécrits, sans le support d’images et au sein de petits groupes.
Pourquoi le texte écrit ?
- Parce qu’il peut être lu et relu à différents moments, lu par différentes personnes, les mots ne changent pas, et les enfants prennent ainsi conscience de la permanence de l’écrit (contrairement à l’oral qui varie d’un conteur à l’autre).
-Parce que l’écrit présente des caractéristiques différentes de l’oral, notamment d’un point de vue syntaxique, et les enfants apprennent ainsi qu’il y a deux voies d’expression d’une même langue, ayant chacune leurs conventions.
Pourquoi sans images ?
-Pour privilégier l’écoute attentive, sans support, et ainsi développer la pensée…
- Pour favoriser la production d’images mentales personnelles en évitant d’orienter la compréhension à partir d’images « imposées » par l’illustrateur.
Le protocole de l’atelier est le même de la petite à la grande section de maternelle ; les textes sont de complexité et de longueur progressives. Le rôle et la place tenus par l’enseignant évoluent en fonction des progrès observés au fur et à mesure des ateliers.
ÉTAPE 1 : Dans tous les cas, le texte est lu par l’enseignant, en continu, sans commentaires, et sans l’appui d’illustrations, à un petit groupe d’élèves, de niveau « raisonnablement hétérogène ».
ÉTAPE 2 : Dans tous les cas, une fois l’histoire lue (et éventuellement relue une seconde fois), l’enseignant demande aux élèves de dire spontanément ce qu’ils ont retenu de l’histoire ; de décrire les images qu’ils ont vu – peut-être - défiler dans leur tête en écoutant.
ÉTAPE 3 : Dans tous les cas, c’est la relecture du texte qui permet de valider les propositions, et non l’enseignant lui-même.
ÉTAPE 4 : Dans tous les cas, après avoir collectivement reformulé l’histoire, on se pose une question à la fin : qu’est-ce qu’on vient de faire ensemble pour comprendre l’histoire qu’on a écoutée?
Mais
En PS , le recueil de ce que les élèves ont compris à l’écoute du texte est étayé par un questionnement de l’enseignant : de qui parle-t-on dans cette histoire, que lui arrive-t-il ? Etc…. L’enseignant accompagne le groupe d’élèves dans la compréhension de l’histoire, mais il accepte les « petits perroquets » qui se contentent de répéter ce qui vient d’être dit par un camarade et les « silencieux » qui écoutent (pas toujours!), mais se taisent... La reformulation collective pourra être facilitée par la présentation d’illustrations de l’histoire en fin d’atelier, mais images et lecture ne seront pas proposées ensemble au cours de l’atelier au risque d’en perturber le déroulement.
En MS , l’enseignant s’implique moins dans les échanges ; il encourage les plus timides et reformule les propositions partielles ; il pose, si besoin, quelques questions ouvertes pour relancer les échanges. Il prend note des propositions retenues et qui seront vérifiées à la relecture du texte. Il peut, en toute fin d’atelier, montrer quelques illustrations du récit pour éclairer les zones d’ombre du texte et lever les incertitudes. Elles serviront – si besoin - d’étayage à la reformulation.
En GS, l’enseignant adopte une posture d’écoute la plus neutre possible et recueille avec patience et bienveillance les propositions des élèves sans prendre parti. Il régule les échanges afin de permettre à tous les élèves de s’exprimer. Son attitude reste impartiale, même face à des propositions qui paraissent saugrenues mais qui peuvent révéler un contresens (parfois, un mot du texte fait écho à une expérience vécue ; celle-ci fait écran et pollue la compréhension mais il est utile de laisser l’élève s’exprimer pour pouvoir écarter, avec l’aide des autres élèves, cette représentation erronée). L’enseignant met en évidence les accords et désaccords qu’il note par écrit. Chaque proposition sera alors reprise et analysée pendant la relecture du texte afin d’être validée (ou non). La reformulation de l’histoire, en fin d’atelier, précède toujours une éventuelle présentation d’images ; c’est ce qui permet à l’enseignant de s’assurer que les objectifs de l’atelier ont été atteints.
Au-delà des difficultés liées à l’écoute (attentive et en continu), et à la rencontre de certains mots peu fréquents du texte, chaque élève est invité à exprimer oralement ce qu’il en a pensé, compris et retenu. C’est le cadre ritualisé et rassurant de l’atelier, associé à une posture patiente et bienveillante de l’enseignant qui le permet.
Progressivement, d’atelier en atelier, l’élève va apprendre à :
- Oser s’exprimer spontanément sur les éléments retenus,
- Confronter sa parole à celle d’autres élèves, placés dans la même situation,
- Justifier son point de vue mais écouter et accepter des points de vue différents,
- Vérifier, à la seconde écoute, les éléments significatifs dévoilés pendant l’échange,
- Se mettre d’accord, au sein du groupe, sur les éléments significatifs indiscutables,
- Percevoir les zones d’incertitude et, éventuellement, l’indécidable du texte, les éléments suggérés, l’espace donné aux interprétations personnelles,
- Admettre que si l’on a écouté le même texte, on n’en a pas retenu les mêmes éléments,
- Identifier – et expliciter - progressivement les stratégies de compréhension efficaces, et devenir ainsi de plus en plus autonome pour questionner l’histoire,
- Reconnaître quelques « invariants » du récit (personnages archétypiques, ordre des actions, rôle du narrateur, structure « en randonnée » etc.) et se construire peu à peu une première culture littéraire.
L’une des difficultés pour un enfant qui passe au collège est de devoir exploiter correctement des textes et des documents qui servent de support aux apprentissages. Chaque discipline, chaque professeur, propose de la documentation issue des manuels ou bien qu’il a confectionné lui-même. Ces documents doivent être bien compris pour permettre d’engager le travail d’appropriation d’un savoir ou d’une habileté liée à la discipline elle – même lors du cours. Dans l’urgence de la leçon, de nombreux élèves sont en difficulté pour comprendre et utiliser les documents fournis, des textes en français, des ensembles composites dans les autres disciplines ; ils ne commencent à saisir ce que professeur attend que trop tard. Leurs difficultés dans la discipline ne viennent pas d’une incompréhension de ses contenus mais d’une incapacité à traiter correctement la langue écrite qu’elle utilise pour les exprimer. Ces élèves ne sont pas particulièrement fragiles, par exemple en SVT, mais ils sont en difficulté de lecture polyvalente. Il ne faut pas oublier que dans une seule journée les élèves changent plusieurs fois de discipline et qu’il faut qu’ils s’adaptent sans cesse aux supports et contenus différents : il leur faut donc une vraie polyvalence, une vraie endurance de lecture et une vraie flexibilité linguistique.
Les documents composites ou polymorphes sont constitués d’un ou plusieurs textes mais également de schémas, d’illustrations, de frises, de diagrammes, de cartes… La multitude des informations fournies dans tous ces éléments est susceptible de provoquer des incompréhensions. Par ailleurs, la langue utilisée dans les diverses disciplines n’est pas toujours exactement la même, chacune a ses caractéristiques : telle discipline utilise particulièrement la temporalité (elle présente le temps chronique et le temps chronologique, en histoire), telle autre la voie passive (notamment en SVT), telle autre utilise un vocabulaire polysémique trompeur (par exemple le sommet en géométrie par rapport au sommet en géographie)…
Les enseignants de chaque discipline doivent donc proposer des temps d’apprentissage à la compréhension des supports qu’ils utilisent. Apprendre à comprendre chaque texte, apprendre à comprendre chaque type d’illustration ou de modalité pour présenter les informations, en particulier les supports non textuels, apprendre à comprendre la langue utilisée et les démonstrations proposées... voilà l’enjeu. Ensuite l’enfant doit comprendre comment mettre en relation toutes les informations fournies dans les documents pour en faire une synthèse juste et utile au cours. Ce que le professeur va utiliser pour expliquer la leçon. Des démarches spécifiques existent dans chaque discipline pour commencer le cours en travaillant explicitement la compréhension des supports avant d’engager le cours lui-même, notamment dans le dispositif Polylect . Ce temps de travail, qu’on appelle Atelier de compréhension de documents, permet à chacun des élèves de maitriser suffisamment les informations pour entamer l’apprentissage dans de bonnes conditions. Par exemple, on apprend à comparer des courbes de plus en plus complexes pour percevoir comment elles présentent des données qu’il faudra croiser pour présenter, avec un objectif précis, l’évolution d’une information précise.
On doit donc apprendre à lire dans chaque discipline à partir du collège et même dès la fin de l’enseignement fondamental. Cet apprentissage mérite d’être accompagné à la maison où les parents pourront observer avec leur enfant les supports déjà travaillés en classe pour se réapproprier chaque partie : Que dit le texte ? Que nous apprend tel ou tel graphique ? Quelle information supplémentaire apporte – t – il ? Que savons – nous après la lecture du document dans son ensemble que nous ne savions pas avant ? Peux-tu me raconter avec tes mots ce qu’il nous apprend ?